Philippe Pasqua. Monomaniaque !
Avec ce 5e solo show à la galerie RX, Philippe Pasqua marque une étape dans son travail puisqu’il présente pour la première fois des autoportraits, et célèbre un retour de la peinture. Il fait une démonstration magistrale de son obsession de toujours : l’art du portrait.
Philippe Pasqua est peintre. Définitivement. Viscéralement. Il en est obsédé et s’enferme des heures dans la solitude de son atelier à Lisbonne, presque en ermite. Là s’accumulent au sol les tubes de peinture vides, écrasés, tapissant le sol d’une croûte cabossée et masquant le parquet qui n’est plus qu’un vague souvenir. Et sur les murs, les quelques grands formats en cours de réalisation. L’énergie de chaos qui émerge de l’antre du peintre est à l’unisson de ce qui se dégage des dernières toiles créées lors du confinement et réunies pour la première fois à la galerie RX.
Brut, sans filtre
Avec cette nouvelle exposition, Philippe Pasqua signe son retour à la peinture tant ses projets monumentaux autour de la sculpture l’avaient mobilisé ces 4 dernières années. Peut-être est-ce pour cela que les œuvres vibrent particulièrement de cette jouissance de peindre qui anime Pasqua, véritable moteur car énergie vitale. Ce sont ses proches qui figurent sur les tableaux, en plan très serré sur le visage, en train de poser nu(e)s, sans concession, sans artifice, faisant mentir Baudelaire lorsqu’il affirme : “Le geste, la grimace, le vêtement, le décor même, tout doit servir à représenter un caractère.” Pasqua nous livre son interprétation sans filtre. Brut.
Pasqua explose les codes du portrait
S’il se rattache à une certaine tradition du portrait depuis la Renaissance, il s’en dégage immédiatement en faisant exploser les codes qui s’y rattachent, le jeu bourgeois de la représentation sociale étant pour lui un carcan étouffant. Une des raisons qui explique pourquoi il s’attache à peindre des jeunes filles ou jeunes garçons autistes, ou portant un autre handicap mental, parce qu’il y a cette franchise de la relation qui n’est pas biaisée par des faux-semblants sociaux.
Son pas de côté avec la grande tradition de l’histoire de l’art s’exprime également par son choix des formats monumentaux, qui le rapproche malgré lui d’un autre peintre majeur, Yan Pei-Ming. Leurs œuvres transpirent à la fois une force explosive, une puissance charnelle et une sensualité de la matière.
La tentation de l’autoportrait
Dans cette série inédite, Philippe Pasqua s’est essayé à l’autoportrait, traité de la même façon que les autres sujets. Il se glisse dans l’ensemble discrètement et qui ne connait pas son visage pourrait passer à côté. Michel Lejeune aurait pu écrire ces mots pour ces œuvres : “… comment se fait-il qu’il n’y ait pas de signe interne qui permette de distinguer un autoportrait d’un portrait ?” Pasqua ne cherche en effet pas à se mettre en scène d’une façon ou d’une autre. Il ne fixe pas le spectateur à la manière de Dürer, ne rit pas comme Rembrandt, n’est pas en délire façon Courbet, en détresse tel Van Gogh, hautain à la Picasso ou à la Warhol. Lui est serein, apaisé et, comme beaucoup des sujets de l’exposition, les yeux fermés. Déstabilisant, puisque l’exercice du portrait nous habitue à un face à face où l’interraction passe par le regard. Troublant, car on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec les masques mortuaires en cire du XIXe siècle. Mais ces yeux clos nous amènent malgré nous à souffler et à porter, à notre tour, un regard vers l’intérieur, à être à l’écoute de nos sensations, de l’invisible.
De l’autre côté du miroir
Pour Philippe Pasqua, il n’y a pas de frontière entre portrait et autoportrait : “Comme je le dis habituellement, à travers les portraits de gens que je peins, je multiplie des autoportraits, même si cela peut apparaître étonnant.” Il est déjà passé de l’autre côté du miroir, depuis le début, une posture qu’avait relevée déjà Pline dans l’antiquité à propos d’un portrait de Pankaspé (ou Campaspe), maîtresse d’Alexandre : “L’excellent peintre Appelle s’est peint lui-même dans ce portrait.” L’artiste et le portrait ne font qu’un.
Chaque nouveau tableau est un prétexte chez Pasqua pour interroger sans fin la peinture et son mystère à travers sa matérialité de façon pulsionnelle. Une définition de la Monomania.
Stéphanie Pioda
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